Quand j'ai "rencontré" Sophie...

Je mets des guillemets à "rencontré" parce Sophie, en vrai, elle est à des milliers de kilomètres de moi.
Mais je maintiens le mot rencontre, parce que même à distance le lien peut se tisser.

Alors quand j’ai rencontré Sophie, lors de nos échanges, tellement de choses se sont passées !

Sophie est infirmière de formation ; elle a toujours évolué dans le monde du soin palliatif et est aujourd'hui palliatothérapeute. En gros, elle accompagne les proches des personnes en fin de vie, et également les familles qui ont fait l'expérience de la mort d'un de leurs proches.

Elle accompagne... ceux qui accompagnent !

Alors pourquoi ça a fait tilt ?

Quel lien entre deuil et soignantes ? Et en quoi ces partages peuvent résonner d'une manière particulière pour nous, femmes de la Santé ?

Si au premier abord cela peut paraître évident, certains aspects plus subtils méritent à d'être questionnés et explorés.

D'abord parce que nous sommes aux premières loges de cette réalité, qui nous a rarement été présentée, détaillée, expliquée... ou alors en théorie, ou lors d'un TD de 2h max, en centre de formation quel qu'il soit.

Moi ortho, je me souviens principalement d'un catalogue de pathologies dégénératives, de handicaps, avec la liste des étiologies, sémiologies, et autres thérapies et "modes de remédiation"... mais jamais on n'a abordé ma place dans tout ce listing.

Enfin si, ma place de soignante oui ; mon apport extérieur... mon rôle...
Mais on n'a jamais attiré mon attention sur la façon dont j'allais pouvoir "me" vivre au sein de ces existences et ces parcours chamboulés ou terrassés...

Alors bien souvent je me suis sentie démunie et en errance, à la recherche de ma légitimité et mon courage parfois.

S'investir mais pas trop, être en empathie sans se laisser diluer dans l'histoire et les émotions de ces personnes tellement vulnérables... moi si entière, si conforme, si "sachante", ce n'est que le jour où j'ai appris à me placer différemment et où je me suis ouverte à la vulnérabilité, que j'ai pu vraiment entrer en lien, en relation, sans vouloir réparer à tout prix ce qui ne pouvait plus l'être, mais en accompagnant humblement, avec mon expertise mais aussi mes limites...

Sans ces expériences, sans m'être laissée surprendre et parfois coincer,  ces préoccupations ne m'auraient pas interpelée.

Le deuil dans ma vie à moi

Un autre aspect pas anodin : comment ai-je les capacités de réagir lorsque moi, soignante, je suis concernée par l’accompagnement et/où le deuil d'un proche : parent, enfant, conjoint... moi qui suis censée savoir, avoir les bons réflexes, être "préparée", comment puis-je vivre cette vulnérabilité quand je suis touchée personnellement ?

Souvent, et même tout le temps, on improvise. Du mieux qu'on peut, avec les moyens qu'on a.

Ca ne s'anticipe pas, mais ça peut se préparer...parce que comprendre ce qui se passe c'est retrouver un peu de "pouvoir", c'est ce dont témoignent tous ceux qui sont passés par là. On apprivoise une réalité qui ne nous touche pas encore, certaines choses nous deviennent plus familières et donc... moins effrayantes !

Une autre situation peut me concerner quand moi professionnelle de la Santé, je suis... malade !
Quand je découvre l'envers du décor, de quelle manière cela résonne-t-il et comment je le vis ?... Ca non plus ça ne se contrôle pas... mais ça peut s'envisager, dès lors que  j'y suis un peu sensibilisée.
Image

Enfin, et plus largement, il me semble que le deuil quel qu'il soit, s'invite dans nos vies en de nombreuses occasions ; lors d'un Burn-out, la fin d'une relation amoureuse, une reconversion, et même notre cycle féminin.

 Certes ces deuils "d'étapes de vie" ne bouleversent pas nos existences de manière aussi intense que la véritable crise existentielle souvent convoquée par la perte d'un être cher... mais quand même.

Cette traversée souvent non choisie nous invite peut-être à reconsidérer certains acquis, à nous renouveler ; nous invite à nous (re)choisir, à poser nos choix en fonction de l'être que nous sommes devenu à cause, puis grâce à ce processus souvent douloureux.

On peut ainsi toucher du doigt que prendre soin de soi, c'est parfois se laisser accompagner quand on en a besoin, même si ce premier pas est parfois difficile à poser... surtout quand on est soignante !

Alors voilà pourquoi l'éclairage et la qualité de présence de Sophie m'ont bouleversée. Aborder ces questions, ces problématiques  avec le soutien de quelqu’un qui m'invite avec délicatesse à regarder les choses différemment sans savoir à ma place, aiguise mon regard et mes perceptions, m'invite à découvrir une nouvelle réalité...

A prendre soin de l'être que je suis en train de devenir pour honorer celle que je serai demain!
Merci Sophie !