Ma vie en chantier

Ma vie en chantier

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Dans une vie idéale

Nos enfants seraient bien coiffés et se parleraient gentiment.

Nos patients ne nous poseraient pas de lapins et on sauverait tout le monde.

On serait des supers mamans et des wonders soignantes, notre maison serait aussi bien rangée que notre cabinet ou notre voiture.

Dans notre vie réelle et pas toujours sexy, le paysage ressemble plus souvent à un chantier, parfois une déchetterie. 

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Tu vas peut être que j'y vais un peu fort, mais à y regarder de plus près on n'en est finalement pas si loin je t'assure.

Y trainent des trucs datant de Mathusalem et qui pourrissent là, semblant ne plus rien attendre. Juste à côté, des choses entassées dont on ne sait pas que faire et qui jouxtent de petits éléments planqués dans des coins.

On peut distinguer deux façons d'accueillir ce constat :

 

1/ Se dire que c'est l'enfer, que c'est pas normal et qu'il y a quelque chose à rectifier. Décréter que tout ceci est le résultat d'une incapacité de notre part, qu'on n'est pas faite pour cette vie, qu'on est défaillante et bordélique... (Je pourrais continuer la liste à l'infini tant je suis la pro pour broder des histoires et les dramatiser). Bref, se dire que tout ceci est un ACCIDENT

2/ Ou bien choisir de regarder ce qui est, avec tendresse et bienveillance, et constater que toutes ces gamelles, ces rugosités (bon d'accord, ce gros bordel !) sont des INGRÉDIENTS, de la matière brute.

Voilà pourquoi c'est en décidant de me focaliser sur la deuxième posture,  que j'apprends progressivement à l'aimer, ma déchetterie :

J'y recycle mes gamelles, j'y fais feu de tout bois ; s'y développe tranquillement un écosystème dans lequel je peux le moment venu aller piocher à l'envi.

Mes échecs qui sur le coup ont l'odeur du crottin prennent ainsi le temps de se laisser digérer et j'en tire mes meilleures recettes vers des choix libres et assumés.

 

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Oui, le crottin, quand il est mis directement sur les fleurs... il les crâme !

Mais en attendant un peu, le temps nécessaire,  il peut devenir un terreau fertile sur lequel pousseront les plus belles plantes.

Et figure-toi que très récemment, en désencombrant la maison de ma-petite-maman-partie-bien-trop-tôt, j'ai découvert à la déchetterie que l'on pouvait se servir dans un énorme tas de compost.

Juste à côté, un tas sur lequel les gens qui viennent déversent leurs déchets verts...

Dingue ! Quand tu y penses, c'est comme les dépôts-ventes : le superflu des uns sert le pas assez des autres. L'inutile de certains, profite au nécessaire de leurs voisins.

Mieux ! Le désormais étouffant peut devenir un adjuvant, un fertilisant insoupçonné !

Mais si, tu sais bien, quand ta meilleure amie te raconte ses combats et que tu te sens moins seule dans les tiens ! Quand tu dis "moi aussi" à la maman de ton petit patient qui te confie son épuisement et qu'immédiatement tu la vois se détendre !

Alors oui notre vie est un chantier, une maison pleine de cris et de courants d'air, de découragements et de frustrations ; mais elle est aussi et surtout un terrain d'apprentissages et de mutations impressionnantes.

Et c'est bien parce qu'elle est imparfaite et biscornue que l’air peut circuler comme dans un compost qui viendra enrichir et transformer la terre en devenir que nous sommes.

Si c'est pas du dévelpopement durable ça !!! 

Ma vie est une déchetterie, mais aussi un centre de tri...et je me réjouis qu'il en soit ainsi !