De quoi as-tu besoin ?

De quoi as-tu besoin ?

" C’est sans doute l’une des plus belles questions qui puissent être posées. On la dit parfois de manière anodine, manteau sur le dos et liste de courses en main.

« Chérie, je vais chez le boucher, de quoi as-tu besoin ? »

Dans la tranquillité du quotidien, elle traduit l’intention de rendre service. Elle prend une dimension vitale quand elle résonne dans le périmètre de la douleur.

De quoi as-tu besoin pour aimer la vie ? Pour te relever ? Pour continuer ? Pour t’apaiser ?

On peut aussi la traduire ainsi : « Que puis-je faire pour toi ? » Et, tout à coup, ce « je » et ce « toi » liés effacent la distance qui sépare les êtres. On la dit les mains vides, le cœur plein, l’esprit vierge, sans idées préconçues, sans réponses toutes faites.

Demander ce que l’on peut faire, c’est se mettre à disposition. C’est s’encastrer dans les besoins de l’autre.

Certains trouvent la question déplacée quand elle intervient tout juste après l’annonce, le choc, l’épreuve. (…) Pourtant, elle mérite d’être posée, quels que soient l’instant et le silence qu’on lui oppose.

Ce qui compte, c’est qu’elle soit prononcée.

Celui qui souffre l’entend et l’enregistre, inconsciemment. Il sait alors qu’il a le droit d’exprimer son besoin. Il pourra y revenir et répondre plus tard, quand le jour sera moins sombre et les idées plus claires.

Si on ne m’avait jamais demandé de quoi j’avais besoin, je ne me serais jamais sentie autorisée à l’exprimer. Cela m’aurait paru inopportun, déplacé. Comme si j’allais trop loin dans ce que je pouvais attendre de ceux qui consolent.

Si on ne m’avait jamais dit « que puis-je faire pour toi ? », je n’aurais jamais osé appeler à l’aide.

...Et je n’aurais pas pu être sauvée. »

-Anne-Dauphine JULLIAND-