Moi, l'éternelle insatisfaite

Moi, l'éternelle insatisfaite

Celle qui râle.

Qui n'est jamais contente. Qui bouscule et interroge les idées reçues, les schémas établis, les parcours tout tracés...

Pendant longtemps je me suis sentie disqualifiée, peu légitime, comme une girouette qui ne trouve pas le nord et tourne au gré des vents parfois contraires. De ne pas savoir ce que je voulais ; de ne pas comprendre ce qui me traversait...

Et puis un jour j'ai compris. Compris qu'une terre n'a pas toujours besoin de soleil ; parfois elle a besoin d'eau, et parfois elle a besoin de repos...parce que ses besoins changent selon les saisons, selon les fruits qu'elle a portés, selon ses époques internes liées au cycle de la vie.

Elle ne porte pas non plus de fruit en permanence, au risque de s'épuiser ou s'appauvrir. Elle en perdrait ses spécificités, ses qualités propres, s'assècherait pour devenir stérile...

Parfois la terre a besoin de jachère. Pour se renouveler, se régénérer.

Elle a parfois besoin d'une intervention extérieure, respectueuse de son écosystème.

Souvent je me suis sentie comme cette terre subissant une agriculture intensive ; obligée, forcée à donner...pour finalement être absolument déconnectée de la nature même de la vocation que je portais en moi : donner généreusement.

 Le coeur sec, j'ai fini par culpabiliser de ne plus porter de fruit alors même que c'était mon aspiration la plus profondément ancrée. Je me suis remise en question, maltraitée, injuriée de ne pas être au top tout le temps...

Qui étais-je donc pour me dissocier, m'affranchir de ce cycle immuable, qui s'applique à tout être vivant sur cette Terre ?
Oui mes besoins sont changeants, mouvants, parce que je suis traversée par la Vie, changeante, aux multiples aspects  ! Parce que je suis composée moi-même de multiples aspects intérieurs.

Longtemps j'ai cherché à "régler le problème" une fois pour toutes.
Sans doute parce que je croyais que c'était moi le problème.
Maintenant que je sais que je suis normale, que c'est normal, que je ne suis pas seule à vivre ces variations, je ne les subis plus. Je ne vais plus contre.

J'ai réalisé combien me connaître, chercher à comprendre, me redonnait du pouvoir, me sortait de mes peurs et mes croyances.

Parfois c'est mon corps qui a besoin que je prenne soin de lui, en le mettant en mouvement, ou au repos...besoin d'être dynamisée, ou cocoonée.

Parfois c'est ma tête ; j'ai besoin d'apprendre, du neuf, ou de comprendre, d'approfondir et redéfinir ce que je sais déjà. Mettre à jour.

Et puis parfois c'est mon coeur, qui a besoin que je prenne soin de lui ; de mes émotions. Que je fasse une ptite pause et que j'écoute ce qu'il a à me dire.
Pendant longtemps en enfilant ma blouse de soignante j'ai cherché à gommer ces "irrégularités", ces "aspérités", ces mouvances qui révélaient voire criaient au monde mes imperfections...et donc mes incapacités.

Et puis un jour, enfin, j'ai constaté que tout cela constituait ma vulnérabilité, ce qui me permettait fondamentalement de me mettre en lien...de moi à moi d'abord, puis en relation authentique avec les autres... et que si je m'offrais le luxe de la voir comme une chance, une occasion, eh bien je pouvais m'en servir pour développer ma compassion, cette disposition intérieure si  précieuse pour accueillir l'autre dans sa souffrance ou ses inquiétudes et ses inconforts.

Moi la parfaite, la lisse, la sachante, -la désespérée aussi-  je me suis découverte enfin vivante, vibrante...humaine...et enfin...satisfaite de cela !