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Il y a quelques jours j'étais au téléphone avec une collègue.
Elle me racontait son parcours de reconversion
et me disait notamment combien la supervision depuis 20 ans avait été vitale pour elle.
Elle a d'abord commencé avec des supervisions de groupe, des études de cas, entre professionnels de Santé divers et variés. Elle s'en est nourrie pendant quelques années. Puis elle a choisi de trouver un superviseur perso. Elle avait besoin d'un regard extérieur pour valider ce qu'elle faisait. Elle sentait qu'elle avait besoin d'exprimer certaines problématiques.
Son témoignage m'a permis d'observer que moi j'ai eu besoin de faire le chemin en sens inverse. Pendant un temps j'ai d'abord eu besoin de faire le point, de moi à moi, soutenue par des outils que j'ai appris à m'approprier.
Je me suis donc coltinée un max de bouquins, pensant que lire et savoir seraient suffisants. Puis je me sentie interpelée par ce que proposait le "développement personnel".
"Nul ne peut se sentir inférieur sans son consentement" -Eleanor Roosevelt-
Aujourd'hui je vois que le développement personnel a été une étape.
Un ingrédient nécessaire pour me permettre de revenir à moi.
Mais le temps passant, il est devenu une fin en soi .
Dans ce cas de figure on s'auto-suffit, on vit dans une certaine indépendance et il y a un risque à fonctionner en vase clos...
Sans recul on peut s'embourber dans des croyances ou un discours intérieur qui finit par se tarir à force de se nourrir de son propre écho (ego ?!) et de s'auto-valider.
Une autre conséquence et pas des moindres, c'est que l'on devient alors seule responsable de la pluie et du beau temps de son existence. Ce qui conduit invariablement à la culpabilité, si on n'y "arrive pas".
En gros, je suis seule responsable de mon bonheur, mais aussi des gamelles que je me prends...un peu lourd hein ?...
Le côté chouette que l'on peut y voir, en revanche c'est de reprendre la responsabilité de son existence, et de se refaire confiance, pour sortir de la posture de victime.
Nous sommes des êtres de relation.
Nous sommes interdépendants.
Compter uniquement sur du développement personnel nous limite à une seule dimension de la palette que nous constituons.
Cela peut à la longue nous priver de la dimension interpersonnelle de notre être qui a elle aussi besoin être nourrie !
Il peut finir par nous isoler en nous faisant croire à notre toute puissance et en oubliant notre part d’humanité.
Oui, mille fois oui, on a besoin de trouver du "même", d'entendre un "moi aussi" qui nous rassure et nous valide.
Mais aussi dans un second temps, du différent pour nous confronter à l'altérité.
Parler, pour mieux s'écouter. Écouter l'autre, pour percevoir -ou pas- un écho ; pour s'ajuster, et se découvrir en authenticité.
La connaissance de soi passe aussi par la rencontre, parce que l'autre me permet d'éprouver le passage de la théorie à la pratique.
Comme je me heurte en rencontrant un patient à l'expérience -parfois douloureuse- , que la théorie et les outils que je possède, sont balayés par le sujet qui se présente à moi dans sa vulnérabilité.
Jeune diplômée je constatais ma non-toute-puissance et je me disais que c'était moi qui déconnais, parce que je l'assimilais à de l'impuissance.
Mais en fait c'est normal : je croyais que mes savoirs et ma technique suffisaient à faire de moi une bonne professionnelle de Santé. J'étais dans une logique du tout ou rien et encore maintenant je me fais avoir.
Alors j'ai cherché des solutions : je me suis formée... Pour mieux me conformer...
Je crois qu'il faut l'un ET l'autre.
Trouver son équilibre au sein de son propre écosystème, qui ne ressemblera à celui d'aucune autre.
Savoir, connaître, comprendre, c'est le point de départ.Tout comme le développement personnel est le point de départ d'un chemin vers soi.
C'est certainement ce chemin de conscience -notamment en tant que soignante- qui mène ensuite à l'autre de façon plus authentique.
Je crois. Je suis pas sûre. C'est mon expérience et elle vaut ce qu'elle vaut.
Mais je refuse dorénavant de m'engouffrer dans du développement personnel à tout prix, qui exclut l'autre, les autres.
Je veux faire du "et", sortir de cette vision binaire du moi ou les autres.
Je suis un être limité, pas "tout-sachant-tout-puissant", et c'est l'alchimie des rencontres qui étoffe ma palette.
Entre avoir raison et être heureuse mon choix est fait ; il a des conséquences, mais aujourd'hui je me sens plus libre que jamais !