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Histoire de recettes

Tu sais que c’est important et essentiel de prendre soin de toi.

Tu sais.
Tu sais même exactement pourquoi c’est important.

J'en veux pour preuve, tous les bouquins que tu as achetés,...et que tu n’as pas lus ! Des magazines aussi…de psychologie positive, de recettes miracles, que tu as parcourues, stockées… et jamais appliquées dans ta vie.

Bon... ben voilà. Si on faisait un sondage, on serait nombreuses à raconter la même histoire...

Me concernant ça me fait évidemment penser à "mes" recettes de cuisine : du livre de ma grand-mère confié religieusement, à toutes ces fiches conseils et cartes glanées à droite et à gauche dans les magasins.
Aux recettes des copines maintes fois demandées, glissées dans mon sac à main, prises en photos, capturées dans mon écran.

Aux photos des magazines de cuisine qui font envie.

Tout y est : le décor, les ustensiles, le tablier coordonné au plat, la cuisinière avec un peu de farine sur le bout du nez, et son 90C qui nargue mon 85A…

Mais dans le magazine de ma vie à moi, rien n'est rangé

Il y a une tonne d’ingrédients que j’ai stockés, certains sont même périmés ! Je les accumule parce que je vois bien que ça me rassure, « au cas où » comme on dit !

 Je les amasse sans me mettre aux fourneaux pour expérimenter leur mélange, voir ce que ça donne dans MES mains.

Je n'ose pas. Trop compliqué. Je ne vais pas savoir faire, et puis j'ai autre chose à faire !

Découragée d’avance. Pas le temps. Peur de rater. Nan et puis la cuisine en fait c'est pas mon truc.

 Quand j’aurai le temps, quand le moment sera venu, c’est sûr, je m’y mettrai. Et puis le temps passe

 Lorsqu' enfin je veux m’y mettre, quand ça y est, j'ai décidé d'en découdre, il y a toujours quelque chose qui cloche : il me manque toujours THE ingrédient.

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Quand faut y aller !

Il en est de même pour moi. Ces ingrédients pour aller bien, pour aller mieux et  me sentir bien dans mes baskets, je les connais.

Mais...au fur et à mesure que je les découvre sans les expérimenter, ils s’accumulent.

Puis ils se transforment en injonctions, en regrets...qui finissent par me bouffer de culpabilité.

Bon, détendons-nous, et cherchons à comprendre ce qui se passe, étant donné qu'on est un paquet à se traîner le même boulet en étant persuadée, chacune, que c'est nous qui ne tournons pas rond !

À vue de nez il y a un truc assez simple : l'erreur consiste en fait à confondre savoir et expérimentation.

Non, il ne suffit pas de savoir, pour que le changement s’opère.

Prendre conscience, comprendre, c’est déjà un premier pas gigantesque. C'est l'occasion rêvée pour retrouver le pouvoir de choisir.
Mais si on veut voir le changement opérer, la recette se concrétiser, les saveurs se déployer, ya pas à tortiller, il faut se retrousser les manches et se mettre à la tâche.

Essayer. Pas forcément pour réussir mais  expérimenter, et… goûter !
Il n’y a qu’à partir de ce moment-là que l’on peut décider de retenter la recette à notre sauce, pour décider de l'intégrer ou pas à notre propre cahier.

C’est le premier pas qui compte et qui est le plus difficile à faire. Car il demande de consentir.

Comment faire ce premier pas ?

Le top c’est de trouver quelqu’un qui parfois y croit un peu à notre place, ou quelqu’un qui est déjà passé par ce chemin -pas forcément un chef étoilé- pour nous montrer que l’ascension est possible.

Cette personne nous permet juste de  lever les yeux et tendre notre regard un peu plus haut. Elle nous aide à nous mettre en mouvement. Parce que seule c’est dur.

 Et ce n'est pas une défaillance d’avoir besoin des autres pour se lancer.

Au contraire. Ca demande du courage, beaucoup de courage, surtout à nous qui sommes soignantes.

Il se trouve que ce qui nous permet de réaliser cela, ce sont les épreuves qui nous façonnent, parce qu'alors on n'a plus le choix, on est dos au mur, et il est tout bonnement impossible de s’en sortir seule.

Pendant longtemps une de mes croyances était que  les malades sont allongés, et les soignants debout.

Soit.

La grande question a donc été, quand je me suis retrouvée clouée au lit :

" Qui suis-je donc, moi qui suis incapable d'enfiler une culotte toute seule ? "

Il a bien fallu que je me rende à l’évidence et que je revoie ma copie ; et je suis capable aujourd'hui de voir que c'est à ce moment là que j’ai cessé de croire que le monde était divisé en deux camps : ceux qui aident et ceux qui sont aidés.

Et aujourd'hui je suis capable de voir que ce moment de douleur a été une occasion de m'assouplir, me rendre davantage poreuse...et vulnérable !