Laurie a 38 ans...cette jolie blonde pétillante et pragmatique -maman de 4 enfants- nous raconte son parcours entre réalisme, humour et autodérision !
" A 3 ans, je voulais être... Hôpital !
En réalité je voulais être médecin parce que je me sentais appelée à être au service de la vie, de l'humain... La seule chose qui vaille pour moi à l'époque.
Mais quand toi et les maths ça fait 23, que c'est pareil pour la physique et que tu as hâte de voler de tes propres ailes, spontanément tu te diriges ailleurs !
J'avais besoin d'études concrètes et d'une issue certaine. Je voulais pouvoir bouger, partir à l'étranger si l'occasion se présentait, bref : de la souplesse et de la liberté, en même temps que du concret !

Avant même d'avoir mon bac j'ai passé le concours. Lorsque j'ai intégré l'IFSI de la Croix-Rouge à Rouen, j'ai tout de suite senti que j'étais à ma place.
A ce moment là, on passait 3 ans à alterner 1 mois de cours et 1 mois de stage. Ça m'a permis de valider ce que je ressentais instinctivement : en goûtant à tout, je suis finalement tombée en amour pour la réa.
La vie a fait que j'ai débuté à Rennes ; en attendant la réponse de l'hôpital j'ai commencé par de l'intérim. Je me suis donc retrouvée en EHPAD, comblant ainsi un poste vacant dont personne ne voulait. J'ai adoré travailler en équipe de cette manière ; en revanche j'ai vraiment goûté le fossé entre le besoin et le manque de moyens.
Tu finis par devenir un distributeur de médicaments, celle qui fait et défait des pansements dans l'urgence...
Je me suis vue réduite à ma fonction parce que je n'avais pas le temps d'être en relation. Je me souviens de ma tristesse de pas pouvoir passer voir une résidente qui m'avait dit 2 heures plus tôt : "Quand vous aurez le temps vous viendrez bien prendre une petite pâte de fruits ?!" (ndlr : en fait Laurie, elle aime pas les pâtes de fruits !)
J'ai réalisé que j'avais vraiment besoin d'action sans être dans la répétition. Besoin que mes gestes soient au service d'un résultat concret, être dans le temps court. Néanmoins je ne me prends pas pour Dieu et quand ça foire je ne le considère pas comme un échec. Je crois que c'est une force.
Parce qu'en ce qui me concerne je mesure que je fais aussi ce métier pour ce qu'il m'apporte : si je le considère comme une vocation, une possible concrétisation de mes talents, cela reste mon métier, pas un sacrifice !
Il me semble vraiment qu'on n'a pas toutes les mêmes dispositions. Par exemple, je sais par expérience que la pédiatrie, je ne peux pas, je m'effondre avec les parents. A côté de ça je vois que j'ai le coeur bien accroché et que j'ai la capacité de maîtriser mon stress dans la tourmente. J'ai beaucoup de gratitude pour ça...

A ce moment là on m'a proposé d'intégrer la réa chir.
J'ai adoré faire partie d'une équipe dont les membres étaient "câblés pareil" : je trouve que ce sont des personnes qui ont de la maîtrise, qui aiment l'action et qui sont jaillissants. Ils pigent tout de suite le besoin grâce à une analyse nécessairement très rapide de la situation.
Je me suis ensuite mariée et on a débarqué à Paris. J'ai repris en interim en attendant d'intégrer un pool de remplacement salle de réveil, réa et bloc. J'ai goûté à la mobilité qui ne ma pas dérangée, ça correspondait vraiment à mon besoin de liberté. J'ai ensuite assez rapidement été titularisée.
Au bout de 3 ans j'attends mon premier bébé, et je reprends direct après mon congé légal. Neuf mois plus tard je suis à nouveau enceinte... de jumeaux. A 4 mois de grossesse j'ai déjà un ventre énorme, je suis crevée. Je suis arrêtée par ma gynéco.
Je n'ai pas repris ensuite. D'abord parce que j'étais crevée ; rincée. un mari qui bossait beaucoup...et aussi parce que je savais que je voulais donner ces années à mes petits.
Les jumeaux ont 2ans1/2 quand je retombe enceinte. je fais une fausse couche puis attends notre 4ème le mois suivant ! Quand j'accouche de Charlotte, notre aînée a 4 ans 1/2, les jumeaux 3, je me sens cramée...
Tout me paraît insurmontable, le temps passe et je me vois sombrer. Je fais des siestes, j'entends mon mari me dire qu'on ne peut pas passer sa vie à dormir, alors je ne m'écoute pas... Jusqu'à débarquer chez un médecin qui a été le seul à ne pas me dire qu'il était normal que je sois fatiguée avec 4 enfants. Il m'a immédiatement envoyée faire des analyses qui ont révélé une grave hypothyroïdie. J'aurais pu faire un arrêt cardiaque à cause de l'hyper caliémie que mon corps subissait depuis trop longtemps. Mais j'ai eu beaucoup de chance : le traitement m'a vraiment remise d'applomb.
L'heure des choix
Quand notre dernière a 2 ans et demi nous quittons Paris pour Tours car la vie parisienne nous devient insupportable. Arrivés en septembre, je reprends l'intérim en janvier. Je sais qu'après 6 ans d'arrêt, c'est maintenant ou jamais. Vivant en célibat géo car mon mari continue à travailler à Paris, je prends une baby sitter le matin pour gérer les enfants pendant la période où je bosse en labo.
À nouveau je goûte à plein d'endroits pas toujours évidents, mais je suis heureuse d'enfiler à nouveau ma blouse... C'est drôle, tu es attendue comme le Messie parce que tu viens pour renforcer des effectifs insuffisants, et en même temps tu sens bien qu'on t'attend au tournant.
Nouvelles équipes, nouveaux logiciels, c'est super exigeant mais je me sens utile.
Le Covid m'a permis de m'ancrer davantage dans le service de réa où je me sens vraiment bien. Je suis toujours en interim, avec ses richesses et ses limites, mais je viens de demander à rester en réa...j'attends la réponse !
Pour moi l'interim est véritablement un moyen de connaître les établissements, les équipes et les structures, pour pouvoir postuler au bon endroit quand on débute.
C'est ensuite un excellent moyen de reprendre un peu de pouvoir sur sa carrière et sur sa vie. On ne subit plus les vacances imposées, les we tronqués et les horaires de fou ; Enfin c'est aussi une possibilité de fonctionnement très souple aussi quand on a des enfants en bas âge et/ou une famille nombreuse avec des enfants aux besoins différents.

Au final je trouve que ça permet de ne pas subir le système, d'arriver et de faire ce pour quoi je suis faite, mon métier brut de brut, sans les manques et les frustrations liées au Système en lui-même.
L'interim ça m'a aussi appris à dire NON ; parce que j'ai le mariage de ma grand-mère ou aquaponey peu importe, je n'ai plus à me justifier, même si je culpabilise encore parfois !
La pépite de cette rencontre
Ce que je retiens de cette rencontre c'est : détermination et confiance.
La vie nous propose de traverser des expériences et nous invite à faire des choix qui valident nos intuitions de départ.