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Au bout du rollmop's !


Cet article est un peu hard, mais il n’en est pas moins vrai car ce qui suit est le fruit d'un constat :

S’engager dans le secteur de la Santé, semble-t-il, ne rend pas heureux.

Médical, paramédical. A l'hosto ou en libéral. Toute activité professionnelle liée à la Santé rend les gens dingues.
Il y a des endroits où je me suis fait lyncher pour avoir osé dire ça, c'était des choses à ne pas dire...
La Sacro Sainte Santé, et tout ce qu'elle véhicule, ça ne s'attaquait pas...
La joie du don de soi, prendre soin des autres et les restaurer dans leur corps et dans leur tête … Tout ça devait rester beau sur le papier pour conserver les idéaux et la fougue de la jeune diplômée.

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La crise du Covid, comme toute crise, autorise enfin certaines situations enfouies à se libérer et à s'exprimer. Et même si "ça fait mal au soin",  les témoignages dépeignent une réalité cinglante, que voici :

  • 90 % des soignantes disent avoir été trahies, faussement accusées, ou blessées par leurs patients, ou leur hiérarchie.
  • 60% des soignantes sont sujettes à la dépression.
  • 50% des soignantes exercent leur métier jusqu'à la retraite.
  • 80% des soignantes se sentent découragées.
  • 84% des familles de soignantes sentent la pression et les conséquences du métier de leur proche.
  • 61% des soignantes peinent à se sentir comprises par leur entourage et à se tisser un réseau social soutenant hors collègues
  • 70% des soignantes disent travailler + de 60h par semaine
  • 30% des soignantes arrêtent leur métier au cours des 5 premières années.



Ça ? Ce sont des chiffres que j'ai inventés mais qui sont le fruit de nombreux échanges et témoignages de collègues et amies, des appels au secours lancés sur les groupes Facebook qui nous sont dédiés. OK, il faudrait de vraies statistiques  mais  ces chiffres me paraissent réalistes...

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C'est quoi le problème ?

Le fait est qu’il existe un fossé abyssal entre l’enthousiasme qui pousse à servir la Santé, et la charge réelle que cela engendre.
S’engager dans un tel domaine, est aujourd'hui synonyme de signer pour une vie de douleur émotionnelle et psychologique.

Notamment parce que les personnes qui exercent ces métiers n’ont, pour ainsi dire, pas “le droit” de se plaindre. Elles sont censées être au service de leurs patients,  à l’écoute des grandes difficultés humaines, mais ne peuvent pas montrer leur propre détresse parce qu'il n'existe aucun endroit pour ça.

Alors elles les planquent, les musèlent, et culpabilisent de les ressentir. Parce que celles-ci seraient immédiatement commentées, interprétées, jugées, par leur entourage, la société, ...et aussi par elles-mêmes, bons petits soldats conditionnés à ne pas s'écouter.
En effet, de nombreuses soignantes rencontrées témoignent qu'elles ont fini par intégrer la croyance qu'on ne peut pas à la foi prendre soin de soi et des autres :
"C'est soit l'un soit l'autre ma cocotte, à un moment faut choisir ses combats !"

"Egoïste, nombriliste, inutile... À quoi bon ?"

La conséquence ?

C’est que les difficultés et le mal être des soignantes qui ne sont pas entendus finissent par rejaillir sur l’ensemble de la société, à commencer par leurs familles, et le système tout entier.

Ce n’est pas pour rien ; dans notre vraie vie de Soignantes, on se retrouve propulsées à un endroit charnière, parce qu'en réalité on ne fait pas "que" soigner :
on devient tour à tour assistante sociale, coach, accompagnante, réparatrice télé, agent d'entretien...
On se croyait professionnelles de la Santé et on se découvre au service de la Vie...
( En réalité c'est comme si on avait limité la réalité de maman à l'accouchement !

De nombreux soignantes, ne vivent pas la joie que leur "statut" de sauveur devrait leur procurer et ne se sentent pas légitimes à le dire.
On les retrouve telles une armée de serviteurs abattus : épuisées, déprimées, découragées.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Et s’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, alors il y a nécessairement des moyens de réajuster ça et de remettre de la joie dans notre pratique pro, et dans notre vie en général.

On a trop tendance à se considérer et agir comme des héroïnes, ou à attendre que les solutions viennent de l'extérieur. Or "Prendre soin de soi" ce n’est pas “juste” un acte d’obéissance à une injonction de plus. Ce n'est pas un geste rituel quotidien et écologique, fonctionnel...

C’est aussi et surtout un acte stratégique pour le bien de ta "communauté" intérieure, ton système interne. Et par ricochet, pour celle qui t'entoure -ta famille-, et pour celle un peu plus éloignée -tes patients - . Quand tout s'équilibre tu en récoltes donc à nouveau les fruits et le cercle peut à nouveau tourner... Rond !


Alors ok, c'est une décision un peu révolutionnaire dans un milieu où l'on nous transmet que c'est NOUS qui prenons soin.
C'est un état d'esprit aussi, qui vise à rétablir l'harmonie entre notre monde intérieur et celui qui nous entoure.

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Je te propose plusieurs axes pour ce faire

  • D'abord, ressentir, te donner le droit, te considérer avec tendresse et douceur : t'occuper de toi n'est pas un luxe, c'est une priorité absolue.
  • Prendre conscience ensuite que prendre soin de toi c'est d'abord et avant tout te mettre à l'écoute de tes besoins avec détermination et authenticité. Bas les masques, même si ce n'est pas franchement d'actualité ! Bon, elle était facile celle-là !
  • Puis constater que tes besoins ne sont pas les mêmes selon les saisons de ta vie, pro, perso, et même au cours d'une journée.


Trouver alors les moyens de clarifier ce dont tu as besoin : est ce que tu as besoin d'évoluer, intellectuellement, professionnellement ? Est ce que ton corps a besoin de bouger, de se restaurer ? Sont-ce ton coeur et tes émotions qui ont besoin d'un lieu pour se déposer, d'une oreille pour les écouter ?

Plus tu développeras une capacité d'écoute de tes ressentis, plus tu seras en mesure d'y trouver une réponse adaptée.

Et plus tu développeras cette finesse vis à vis de toi, plus tu seras en mesure de ressentir et respecter l'autre, à commencer par ton patient.

 
Joli cercle vertueux ; ça y est, ça peut recommencer à tourner rond !

Prendre soin de soi c'est donc un geste éco-responsable, si si ! : plus tu apprends à te connaître, plus tu t'apprivoises avec bienveillance, plus tu retrouves la capacité de donner et de savourer ce qui t'est offert !